Les informations concernant près de 2,6 millions de foyers locataires et occupants du parc privé avec tous les membres, identité, adresse, situation professionnelle, ressources et reste à vivre après paiement du loyer, type de logement et loyer, voire les autres allocations versées avec leurs montants, seront probablement bientôt divulguées à l’Agence nationale de l’habitat (ANAH).
Le Conseil national de l’habitat — instance consultative de tous les acteurs du logement, fonctionnaires du ministère, associations de locataires, promoteurs et agents immobiliers — s’est déroulé le jeudi 18 et vendredi 19 mars. Visiblement, les discours échangés lors de cet événement ont été houleux.
Une dizaine de projets de décret ont effectivement été étudiés. L’un d’entre eux, en application de la loi « énergie et climat » du 8 novembre 2019, a particulièrement soulevé des débats, sous la présidence de Mickaël Nogal, député de Haute-Garonne.
Ce projet prévoit pour chaque année, la transmission des fichiers sur les usagers du parc privé, locataires et propriétaires, bénéficiaires des aides au logement à l’ANAH. En effet, la Caisse nationale d’allocations familiales et la Mutuelle sociale agricole seraient désignées pour réaliser cette mission.
D’après la note de présentation de décret mentionné précédemment, ces informations seraient nécessaires pour « aider à la mise en œuvre de missions de service public réalisées par l’ANAH, identifier les logements susceptibles de bénéficier d’aides à l’amélioration qu’elle propose » aux ménages vivant dans des logements défavorisés. Elles seraient également utiles pour « mieux lutter contre la fraude en croisant les données issues de différents organismes ».
Selon l’explication de Guillaume Aichelmann, chargé de mission de l’association Consommation Logement Cadre de vie « Ce transfert massif d’informations, qui ne seront pas réservées aux seuls salariés de l’ANAH puisqu’elles peuvent être déléguées à des sociétés tierces, des sous-traitants, nous inquiète. Ce sont décidément toujours les pauvres que l’on contrôle ! Quant à la lutte contre la fraude, elle vise à nouveau les seuls ménages aidés alors qu’elle pourrait mieux exploiter, par exemple, les déclarations de revenus des bailleurs ».
M. Pelenc, membre du Conseil national de l’habitat, est apparemment d’accord sur la concrétisation du projet de décret. De ce fait, il estime : « En tant qu’opérateur, nous manquons toujours de données pour identifier les habitants qui ont besoin d’être aidés, explique Michel Pelenc, directeur général de Soliha, association qui, au nom de l’ANAH, démarche et conseille les ménages dans l’amélioration de leurs logements. Mais là, j’admets que le moyen est un peu disproportionné dans la mesure où le nombre de logements faisant l’objet d’une convention avec l’ANAH dépasse rarement les 10 000 par an, avec de très rares cas de fraude… On prend un marteau pour écraser une mouche ».